ENFIN LIBRES !

Libéréééée, délivréééée, désormais plus rien ne m’arrête, libéréééééée, délivrééééée… Oui, vous l’avez reconnue, il s’agit bien de « La » chanson de la Reine des Neiges, et déjà vous m’en voulez parce qu’elle va tourner en boucle dans vos pensées toute la journée. Tant pis, j’assume, c’est un excellent résumé de l’état d’esprit du moment. Après d’interminables semaines de confinement, les cages sont ouvertes, les fauves qui tournaient en rond sont lâchés. Nous pouvons revoir certains de nos proches – je sais, pas trop près, avec un masque, pas trop à la fois... – nous déplacer plus facilement, consommer généreusement, faire des plans, locaux, pour l’été qui s’approche... pour le dire en une phrase, nous avons retrouvé une bonne partie de notre liberté de mouvement.
Pourtant, nous le savons, c’est un exercice périlleux. Le Covid-19, toujours aussi sournois et imprévisible reste tapi dans l’ombre de chaque rencontre, potentiellement cramponné à chaque postillon, possiblement aux aguets sur chaque poignée de porte, à l’affût sur les barres de maintien des transports en commun ou pire encore, sur le col perlé de gouttelettes d’une inoffensive bouteille de bière. Un ennemi d’autant plus vicieux qu’il demeure invisible et imprévisible.
Nos autorités sont prises entre deux feux, deux incendies même, éviter une deuxième vague et tenter de relancer une machine économique mise à mal par l’immobilité forcée que nous a imposé la pandémie. Je ne reviendrai pas sur mes profonds regrets face à l’opportunité manquée d’opérer un vrai changement de cap, mais je voudrais m’arrêter sur les directives qui nous sont données. Conscients que légiférer sur chaque cas, avec interdiction ou autorisation, serait un casse-tête juridique sans issue, nos responsables lancent avec l’énergie du désespoir un appel à la responsabilité de chacun. C’est une démarche qui me réjouit, encourager la population à réfléchir par elle-même pour faire ce qui est le plus sensé, créer un espace pour le bon sens, faire confiance à l’intelligence des citoyens est une belle et noble pensée. C’est aussi une décision qui me terrifie ! Me dire que ma santé, celle des gens que j’aime dépend du bon sens des autres et de leur capacité à être responsables me glace le sang.
Aussi folle soit-elle, c’est la décision que le Créateur a prise avec nous. Il nous a fait don d’un magnifique et terrifiant cadeau, la liberté de choix. Je suis bien conscient que nous ne décidons pas des cartes que nous avons reçues à la naissance pour jouer la partie de la vie, mais nous sommes libres de décider ce que nous voulons en faire et cela nous ouvre déjà un incroyable éventail de possibilités. La liberté est une aspiration chevillée à l’âme humaine, nous la désirons, la revendiquons, nous sommes parfois disposés à mourir pour elle et puis parfois, nous l’échangeons contre de la pacotille, un brin de confort, des bouchons dans les oreilles et des lunettes bien foncées, ainsi va l’incohérence humaine.
Nous avons aussi un problème avec la définition de la liberté, peut-être tout particulièrement ceux de ma génération héritière de Mai 68 et de son fameux slogan qui claque comme un drapeau dans le vent : « Il est interdit d’interdire ! »
Ce que nous aimerions, c’est une liberté qui nous permette de faire ce que nous voulons, quand nous le désirons, de la façon dont nous en avons envie, mais sans jamais être rejoint par les conséquences. Je ne nie pas que cette liberté m’intéresserait si elle existait, mais un tout petit peu de réflexion nous montre rapidement qu’elle n’est qu’une mauvaise utopie. La liberté est une monnaie qui comporte deux facettes, et comme pour n’importe quelle pièce, ce n’est pas parce que je focalise mon regard sur le côté pile que je peux faire disparaitre le côté face.
Le pendant de la liberté est la responsabilité, ou formulé autrement, les conséquences de mes choix. Depuis que nous parcourons la surface de cette planète, nous avons tenté de séparer les deux, d’isoler la liberté pour ne pas subir les répercussions de nos décisions, nos efforts ont été vains.
Aucun alchimiste, aucune philosophie, aucune religion n’a réussi ce tour de force, et pour une raison bien simple, liberté et responsabilité sont deux aspects d’une seule et unique réalité. Le monde dans lequel nous vivons en est la triste illustration. Nous avons pris la liberté de faire manger de la poudre de vache aux vaches, mais nous n’avons pas pu éviter la maladie qui en a résulté. Nous pouvons vivre les yeux fermés et consommer en six mois les ressources que nous offre la planète pour une année, mais cela nous rattrape, je pourrais multiplier les exemples sur des pages et des pages, mais je suis certain que vous avez compris l’idée...
Le plus terrible avec la liberté est le fait que ce ne sont pas toujours, je pourrais dire pas souvent, ceux qui utilisent mal leur liberté qui en payent le prix. L’humanité dans son ensemble est irrémédiablement solidaire des conséquences, positives ou néfastes, des décisions prises par une minorité.
Nous devrions, chacun pour notre part, réfléchir à l’impact de nos décisions sur notre existence, sur celle de nos proches et même sur celle des habitants de l’autre côté du globe, ceux qui vivent la tête en bas. Mais entre ce que nous devrions faire et ce que nous faisons... il y a un monde ; un monde en danger d’autodestruction, d’implosion. Je l’ai déjà dit, je le répète, la liberté est un cadeau terrible. Il m’arrive de m’entretenir avec des adolescents et c’est un sujet que j’aime aborder. Leur expliquer qu’à l’image de Wonder Woman ou de Spiderman, ils sont dotés d’un super pouvoir, celui de détruire leur vie... ou pas – et parfois celles des autres par la même occasion.
Pour pallier les dangers potentiels liés à l’utilisation de la liberté – situation que l’on pourrait comparer à celle d’un enfant de dix ans jouant avec une Kalachnikov chargée – les hommes ont inventé la dictature, sous toutes ses formes et avec des intensités et des modalités différentes.
La religion, bien évidemment, a participé à cette aventure. Elle a même souvent été aux premières loges. Les autorités civiles, militaires, religieuses, décident de ce qui est bien, de ce qui est acceptable, de ce qui est convenable, et l’imposent par des lois, la manipulation, et la violence.
Heureusement, le Christ est venu nous proposer un usage différent de la liberté, un usage qui n’est pas une belle théorie fumeuse, parce qu’il l’a appliquée durant son séjour sur terre et s’y est lui-même soumis. Il nous propose de coupler la liberté avec la vérité et d’enrober l’une et l’autre d’une épaisse couche d’amour. Cet assemblage unique rend inutile la dictature et dissout totalement les conséquences néfastes pour les autres.
Il reste cependant une dernière difficulté, une difficulté tellement insurmontable que Dieu lui-même n’a pas trouvé de solution. Cette trithérapie, composée des principes actifs Liberté, Vérité, Amour ne peut être imposée à qui que ce soit ; elle perdrait toute son efficacité.
C’est pour cela que l’Homme-Dieu nommé Jésus, le Christ, a toujours laissé ses disciples libres de le suivre ou de retourner à leur ancienne vie. Lorsque les foules se sont détournées de lui, que tous l’ont abandonné et qu’il n’est plus resté que les douze auprès de lui, Jésus leur demande : « Et vous ? Ne voulez-vous pas aussi vous en aller ? » Formulé autrement : « Ne restez avec moi que si vous avez librement choisi de le faire... ». 1
La liberté est un cadeau dangereux, mais elle est aussi un cadeau « fatigant ». Il est tellement plus simple de suivre quelques lois, plus ou moins intelligentes, édictées par un « chef » que de se demander avant chaque décision si elle est conforme à la vérité, si elle est motivée par l’amour.
Il existe pourtant une voie qui permet d’exercer sa liberté sereinement sans que ce soit un travail pénible, cette voie est celle tracée par le Christ, il l’a lui-même suivie. Il l’a suivie avec tant d’application qu’il est devenu lui-même la voie. Il « Est » la vérité, l’amour, la liberté. Cheminer en sa présence, partager ses pensées, recevoir sa vie, son énergie est de loin le meilleur moyen de vivre libre, sans provoquer la destruction de nos vies, sans faire de tort aux autres.
Utiliser notre liberté pour nous « lier » à lui par des cordages d’amour est la meilleure décision que nous puissions prendre. Mais nous ne pouvons la prendre que pour nous-mêmes, et nous devons la prendre et la reprendre sans cesse, car si nous pouvons nous attacher à lui, il nous désire libres et non esclaves. Il nous pose encore et encore la même question : « Et toi ? Ne veux-tu pas toi aussi t’en aller ? Et son cœur s’illumine chaque fois que nous lui répondons, en toute liberté : « m’en aller pour aller où ? C’est près de toi que je veux vivre ! »
Que cette période de déconfinement durant laquelle nous allons exercer notre liberté et notre bon sens pour nous protéger et protéger ceux qui nous entourent soit l’occasion de découvrir, d’expérimenter, de savourer la superbe liberté qui se trouve dans notre union intime avec le Christ.
Librement vôtre,
Philip
1 – Jean 6. 67-68
PS : Il n’y aura pas de p’tit mot du mercredi la semaine prochaine. Je vous donne rendez-vous le mercredi suivant. Merci pour votre compréhension.