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Le temps, notre alibi...


Je l’ai prononcé des milliers de fois et je ne pense pas être le seul, cette phrase magique qui nous sert de joker chaque fois que se présente à notre esprit l’invitation silencieuse à faire quelque chose que nous estimons extrêmement important : « Je n’ai pas le temps… »

Nous l’utilisons aussi sous la forme d’un regret, en général accompagné d’un grand soupir censé donner plus de poids à notre déclaration : ah ! Si seulement j’avais le temps de…


Ce temps, que mystérieusement nous n’avons pas, que nous aimerions avoir, que nous regrettons de ne pas trouver, comme s’il s’agissait d’une aiguille dans une botte de foin, pratiquement impossible à dénicher. Mais pour la repérer, cette aiguille, il faudrait la chercher, y passer du temps, temps que nous n’avons pas…


Je crois que vous avez compris l’idée… et dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, que celui qui n’a jamais invoqué le temps comme alibi, me jette la première pierre.

Cependant, à force de l’utiliser devant notre tribunal intérieur, cet alibi s’use, s’étiole, comme une peau de chagrin, nous nous rendons bien compte, que le juge, plus ou moins impartial, de notre conscience, commence de trouver louche ce coupable sans cesse invoqué, encore et encore appelé à la barre des témoins chaque fois que nous passons à côté de ce que nous affirmons être important… mais que nous ne pratiquons pas !

Alors, pour faire passer la pilule, nous assaisonnons notre : « je n’ai pas le temps… » d’une belle promesse. Une promesse en plaqué or, qui brille et qui en jette, une promesse qui a toutes les apparences de l’authenticité, une contrefaçon de promesse tellement réussie qu’on lui donnerait le Bon Dieu sans confession, une promesse qui implique encore une fois notre « Alibi Temps », mais conjugué au futur : « Quand j’aurais fini mes études, quand je serais marié, quand je serais en vacances, quand les enfants seront grands, quand je serais à la retraite… »

Nous n’avons pas le temps, nous n’y pouvons rien, mais un jour nous l’aurons et ce jour-là ! Vous verrez ce que vous allez voir !


Jusque-là, nous ne prenions pas de risque puisque nous connaissons tous de pleines brouettes de retraités qui claironnent du matin au soir : « je n’ai pas le temps, ah ! Si j’avais le temps… » Nous nous croyions hors d’atteinte, et si ce n’était pas suffisant, il nous restait encore le proverbe préféré des politiciens : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

Il nous suffisait d’avancer sans trop réfléchir, continuer de courir après la carotte que nous avions nous-mêmes suspendue au bout de notre nez : un jour j’aurai le temps, et enfin je ferai ce que je sais que je devrais faire…

Mais voilà qu’un invité surprise, un invité inattendu, et que d’ailleurs personne n’avait invité, vient mettre son grain de sable dans notre sablier. Oui, je sais, dans un sablier il y a déjà plein de grains de sable… mais celui-là est particulier. Il est trop gros, il ne passe pas. Il coince et bouche le passage.

Vous avez toutes et tous reconnu cet « invité » non désiré, un méchant, sournois, minuscule, mais agressif virus qui porte le numéro 19 à la fin de son intitulé.


Nous l’avons sous-estimé, regardé de haut, nous avons ri un peu de ce qu’il faisait aux autres, à ceux qui ne sont pas civilisés comme nous, ceux qui sont mal préparés, mal organisés, ceux qui paniquent ou sont dans le déni… il nous a cloué le bec ! Et puis, il nous a assigné à résidence, d’un seul mot autoritaire : confinement.

Alors, mettons bien les choses au point, dans la balance comparative des malheurs planétaire, si nous voulons nous mesurer aux troupeaux d’êtres humains jetés sur les routes après avoir perdu leur maison, leurs maigres biens matériels, une partie de leurs proches, et qui doivent affronter les marchands d’esclaves, les viols collectifs, les exécutions sommaires, la mer méditerranée, pour finalement devoir s’empiler dans des camps de fortune, y attraper des maladies, pourrir sur place et subir la formule « nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde »… nous ne pesons pas lourd.

Bien que cela nous semble « énorme » nous devons juste rester au chaud, ou au frais, dans nos maisons douillettes*, avec des téléphones, des écrans en quantité, de la nourriture, de l’eau potable, des toilettes, des jeux vidéo et même pour quelques-uns, des livres.

Cette très longue digression, vous a probablement déjà un peu ennuyé, mais j’en profite, vous avez à présent le temps… elle avait pour unique intention d’introduire cette courte affirmation : « pour une énorme majorité d’entre nous, le temps nous est rendu ! ».

La patate chaude que nous avions l’habitude de lancer plus loin chaque fois qu’elle nous tombait dans les mains ne peut plus être jetée ailleurs, elle nous colle aux doigts. Notre meilleur alibi vient de s’évanouir pour au moins quelques semaines, probablement quelques mois.


Nous nous levons, et la journée nous appartient… oui, je sais, il faut encore faire un peu de ménage, préparer des repas, accompagner nos charmants bambins dans leurs tentatives peu motivées d’apprendre deux ou trois choses dans le domaine scolaire. Mais malgré ça, il nous reste un stock énorme de belles heures vierges, des heures vides de premier choix à remplir de ce que nous voudrons bien y mettre.

Lorsque nous aurons finalisé la déclaration d’impôts, rattrapé le courrier en retard, classé quelques photos et enfin mis un peu d’huile à la porte qui grince depuis deux ans, qu’allons-nous faire de tout ce temps de qualité qui nous est confié, offert sur un plateau ?

Apprendre à faire passer le temps du statut « d’alibi » à celui de « compagnon », pour enfin reprendre nos vies en main, est un énorme défi. Ce que nous affirmions désirer plus que tout est à notre portée. Nous n’avons qu’à le choisir. Le temps de jouer avec les enfants, de lire, de réfléchir, de méditer, de parler à nos très proches, de regarder notre conjoint en face, de téléphoner à nos vieux parents ou à nos petits-enfants, de faire face à nos vrais besoins intérieurs, de nous réconcilier, par lettre ou par téléphone avec un membre de famille ou un ami, fâché, de dire : « je t’aime » à ce que nous aimons...

Prendre aussi le temps d’affronter le vide intérieur que nous avons si longtemps camouflé sous nos activités débordantes et débridées…


Si vous me connaissez un peu vous savez ce que je pense de la culpabilité : ce n’est jamais une bonne motivation, jamais un bon carburant pour aller plus loin.

Mon but n’est donc pas d’ajouter au mal-être que produit le confinement une grosse couche de culpabilité, non ! Loin de là. Je voudrais au contraire vous proposer de changer de perspective et de considérer ce « désagrément », que nous n’avons ni choisi ni voulu, comme une opportunité unique d’enrichissement.

Et je ne parle pas d’un calcul vicelard pour racheter les actions qui plongent, dans l’idée hypothétique et mesquine qu’elles puissent rapporter des millions dans quelques années, d’autres s’en occupent pour vous.

Je parle des vraies richesses, celle qui comblent l’âme, nourrissent le cœur, développent la connaissance, réjouissent nos sentiments, nous reconnectent aux autres et à nous même, sans oublier notre créateur, lui qui habituellement doit se contenter des infimes miettes temporelles que nous trouvons, desséchées et ratatinées, au fond de nos poches.

Ces richesses, que nous avons enfin le temps de chercher, de trouver, de déguster, ces valeurs sûres qui rempliront nos cœurs et nos mémoires de trésors inestimables que rien ni personne ne pourra nous voler, ces richesses impérissables que nous glisserons dans nos bagages d’éternité lorsque nous entreprendrons notre dernier voyage…


Finalement, il se pourrait que l’excellent conseil de notre vieil ami Paul soit toujours d’actualité : « Rachetez le temps ! Mettez à profit les occasions qui se présentent à vous, car nous vivons des jours mauvais.1 ».


Merci d’avoir pris, trouvé, le temps de me lire, n’hésitez pas à en prendre un peu plus pour réfléchir à tout cela et, si vous le désirez, à me partager les résultats de vos réflexions, même, ou surtout, si vous n’êtes pas d’accord avec moi.

Temporellement votre,

Philip


* Sont exclus de cette description, nos héros du corps médical, ainsi que quelques autres métiers, pompiers, éducateurs, sécurité civile… qui eux, réellement, n’auront ni le temps de respirer, ni celui de se reposer et qui vont littéralement risquer leurs vies pour sauver les nôtres. Ils méritent notre respect, notre reconnaissance et notre profonde gratitude, prenons le temps de la leur manifester.


1 Éphésiens 5.16

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